J’ai acheté l’an dernier un ordinateur que je conspue pour y faire rouler des logiciels que je n’aime pas. L’installation du portable a connu divers ratés qui ont contraint les techniciens de mon fournisseur à y passer plus de temps que moi. Pendant qu’ils s’activaient à distance sur la machine, je poursuivais mon travail de façon fluide et détendue sur mon Mac. Du coin de l’œil, j’ai suivi leurs manœuvres de désinstallation et de réinstallation de Windows/Office/Windows/Office…
Quand, enfin, j’ai pu m’atteler à la tâche, j’ai téléchargé une version d’essai d’un logiciel de traduction assistée par ordinateur (TAO). Soyons clairs, la TAO ne loge pas à l’enseigne du plaisir. L’expérience se compare à celle du traitement de canal.
D’une convivialité douteuse, SDL Trados est censé accroître la productivité du traducteur et réduire les coûts de ses clients. Une formation en ligne plus tard, j’étais loin d’être convaincue d’avoir trouvé la perle rare.
Des conversations avec des consœurs et des clients m’ont ensuite poussée vers Logiterm, un logiciel d’aide à la traduction conçu au Québec. Fort bien. Après avoir téléchargé la version d’essai, j’ai passé trois heures à suivre un tutoriel sur mon Mac (chéri) en tentant d’appliquer les enseignements sur le portable (de merde). Si je trouvais SDL Trados peu convivial, je n’avais encore rien vu. Même en reproduisant scrupuleusement la marche à suivre que décrivait le type du tutoriel, je n’ai jamais obtenu ses résultats. Au bout de trois démonstrations foireuses, j’ai tout éteint et suis allée courir. On peut difficilement mieux exprimer la fuite.
Un jeune confrère m’a finalement parlé de MemoQ, un logiciel allemand dont les concepteurs ont au moins le mérite d’avoir recherché une certaine convivialité. Le fait que j’aie réussi à produire rapidement quelques textes dans cet environnement en constitue la meilleure preuve. Cela dit, je n’y ai trouvé aucun agrément.
La mécanisation de la traduction expurge celle-ci de toute dimension créative ou artistique. Le langagier — je comprends maintenant pourquoi ce terme technique est devenu la norme dans certains milieux — se coltine avec des segments de phrases plutôt qu’avec un texte. Impossible, dans un environnement de TAO, de soupeser un passage, de se l’approprier pour mieux en rendre l’intention et le propos. Il s’agit de traduire mot pour mot dans une langue Y et comme la dernière fois, ou plutôt les cent dernières fois, ce qui a été écrit dans une langue X.
Que des logiciels de TAO permettent de traduire plus rondement des cahiers de charges, des modes d’emploi, des monographies de cachets contre la migraine et des listes d’ingrédients d’aliments préparés, c’est très bien. Lorsqu’ils servent à mécaniser les communications absconses des différents ministères canadiens, on se réjouit pour les pauvres traducteurs assignés à la besogne. On ne me convaincra toutefois pas de sitôt que des textes journalistiques ou pédagogiques, des sites web ou tout autre contenu destinés à divertir, à persuader, à émouvoir ou à élever l’esprit puissent faire mouche après un passage par la moulinette de la TAO.
Ce qui me ramène à mon portable qui n’a même pas le mérite d’être beau. Une semaine a passé avant que je me décide à le sortir de sa boîte; il en a fallu cinq pour que je cesse de le comparer à mon Mac chéri et de maudire l’environnement Windows. Toutes les tentatives de Microsoft pour en faire une chose aimable m’énervent et ne servent qu’à souligner à quel point ce n’est pas ça. Comme la fille qui veut trop et qui en fait des tonnes. Arrête. Ça ne marchera jamais. Ta yeule, Cortana.
Je le traîne sans enthousiasme dans mes ateliers d’écriture. Ses caprices m’exaspèrent et j’ai envie de m’en excuser. Chaque fois, je me dis qu’il ne faut pas en demander trop à un appareil capable de faire rouler des logiciels de comptabilité et de TAO.
Photo : William, Creative Commons.
La prochaine fois que le sujet de la TAO surgira au tournant d’une conversation professionnelle (probablement bientôt), j’aurai une excellente adresse à donner à mon interlocuteur ou interlocutrice qui ne connaîtrait pas ce bijou de l’évolution technologique : celle de ce billet divertissant et qui fait mouche. Merci, Johanne!
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Pas de quoi! Certains traducteurs plus jeunes que moi ne jurent toutefois que par cette technologie!
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