Aujourd’hui, je rejoignais Marie-P. avec qui j’allais voir le dernier Dolan. Est-ce qu’un créateur peut se dire qu’il a réussi quand son nom est prononcé dans cette formule ? On ne dira jamais : « As-tu lu le dernier Tremblay ? » En fait, on le dit abondamment au sujet d’un ou deux autres, ce qui exclut d’office toute possibilité qu’on le dise un jour à mon sujet puisque le nom est déjà pris. Mais comme je n’ai jamais rêvé d’un tel scénario — j’en ai rêvé bien d’autres — je ne m’attriste pas que Michel et Lise aient claimé le nom avant moi.

Le dernier Dolan, donc. Celui-là qui nous enferme dans l’incommunicabilité d’une famille dont l’un des membres est condamné. Je ne compte plus les gens autour de moi que les univers de Xavier Dolan insupportent, principalement parce que tout le monde s’y crie par la tête. J’aime, au contraire, me retrouver témoin de ces colères stériles, de ces plaies qui pulsent derrière les centaines de clopes allumées pour tromper l’inconfort. Venant d’une famille où l’on ne se disputait JAMAIS, je reçois les films de Dolan comme des expériences extraterrestres hautement fascinantes. En visionnant ce Juste la fin du monde, je ne pouvais m’empêcher de penser au plaisir qu’ont dû tirer les acteurs de cette mise à nu, le kodak sous le nez, en plein dans leur bulle. Rien que d’y penser, j’ai le vertige.
Après le film, Marie-P. courait à un autre rendez-vous et j’ai marché tranquillement sous le crachin jusqu’au métro. Depuis les marches qui mènent au quai, j’ai entendu le train qui redémarrait. J’y suis arrivée juste à temps pour voir qu’il s’agissait d’une vieille rame, ce qui m’a consolée de l’avoir manquée. « J’aurai peut-être une rame neuve », me suis-je dit. Et je l’ai eue.
Je ne m’étais jamais réjouie d’avoir manqué le métro avant l’arrivée des nouvelles rames Azur. J’ai goûté cette singulière impression comme un bonbon dur qu’on laisse fondre dans sa bouche. Au lieu de piaffer sur le quai redevenu désert, je fredonne un air de circonstance. D’autres partagent mon sentiment. Dans les nouvelles rames, la brise qui traverse les wagons comme une rumeur colporte le contentement des passagers. Bien sûr, notre plaisir collectif est voué à disparaître. Bientôt, des Doc Martens et des bottes Sorel marqueront les portes. Des rigoles de cafés refroidis maculeront le sol. Des pages orphelines du Métro valseront d’un wagon à l’autre. Des gouttelettes de sauce à sous-marins Subway et de vomissure s’incrusteront dans les rainures des bancs rétractables pour mieux exhaler leur parfum aigre durant les redoux de janvier et les canicules de juin. Mais maintenant, le plaisir est palpable.
À côté de moi, de jeunes parents enthousiastes expliquent (expliquent !) à leur fille de deux ans mille et un concepts aussi inintéressants qu’abscons pour son âge. Lui racontent que bien qu’ils fassent route en direction Montmorency, cela ne signifie pas qu’ils s’arrêteront à cette station; lui rappellent — des fois que l’envie lui prendrait — que les contrevenants qui tentent de bloquer les portes s’exposent à une amende de 150 $; lui expliquent que papa la déposera au sol lorsqu’il y aura moins de monde, mais que là, ma choupette, il y a trop de monde dans le métro.
En descendant à Sauvé, j’ai eu pitié de la pauvrette, qui en a encore pour quinze ans à déguster ce genre d’insignifiances. Et on dit que les jeux vidéo rendent violent. Peut-être, au fond, que les enfants, tentent d’échapper à ces oiseuses explications que leur servent des parents narcissiques en mal d’auditoire. Que sont quelques dragons, une nuée d’orques du Mordor ou une salve d’obus à côté d’un exposé de maman sur la théorie des files d’attentes devant les caisses de la SAQ?
Mercredi, 8 mars 2017
J’attends toujours la nouvelle configuration du métro.
j’adore votre nouvelle configuration du métro…
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C’est celle qu’a proposée l’équipe des Dessous féminins l’an dernier. Je l’aime aussi. Vous croyez qu’on l’aura un jour? : )
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un jour… probablement encore lointain.. mais on ne sait jamais… il y aurait beaucoup d’autres variantes aussi d’autres configurations
il y aurait aussi beaucoup de rues, d’avenues et de boulevards à « rebaptiser »
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