Le 1er novembre 2016, la mort dans l’âme, j’ai fait une croix sur l’Halloween. Sur la table de l’entrée, le grand bol de friandises était encore plein au deux tiers, faute de visiteurs*. Si nous habitons un quartier métissé par ci et vieillissant par là, je ne suis pas prête à dire que les immigrants et les vieux ont mis fin à l’Halloween sur ma rue. Les responsables se trouvent une ou deux rues plus loin et transforment chaque année leur parterre en décor de film d’horreur. En plus, l’association commerciale du coin crée dans le parc du quartier un labyrinthe au pouvoir d’attraction aussi puissant que le côté obscur de la Force pour le looser intergalactique moyen. Je n’ose imaginer le fric que certains consacrent à préparer ces quelques heures qui leur vaudront peut-être un reportage au bulletin de fin de soirée ou dans les pages du journal. Ils auront beau faire, le 1er novembre, leurs ossements et fils d’araignée en plastique seront aussi tristes que les lumières de Noël sous la pluie du 29 décembre.
En 2017, il ne suffit plus de prévoir un assortiment de friandises, une citrouille artistement gossée et deux ou trois lampions. Il faut aussi décorer la maison, se costumer, créer une ambiance son et lumière, proposer une mise en scène extérieure. En deçà de ce forfait de base, rangez votre marchandise, fermez les rideaux et éteignez tout. Ma voisine, que rien ne décourage, finit toujours par se rendre au coin de notre rue déserte pour tenter d’attirer les enfants vers notre secteur. Or nos maisons auront beau briller de mille feux, s’ils ne sont pas orange et synchronisés à la trame sonore de La nuit des masques, nous ne courons aucun risque de manquer de friandises. La probabilité de souffrir, trois jours plus tard, de brûlures d’estomac découlant d’un excès de Rockets est nettement plus élevée.

Qui a lancé le mouvement? Les éducatrices de CPE et les enseignants du primaire qui font du spin sur l’Halloween à partir du 30 septembre? Les médias grand public, trop heureux de tenir un sujet pas compliqué et éminemment populaire? La surenchère du 31 octobre n’est sans doute pas étrangère à celle qui contamine tout, à l’hyper-animation des enfants et des adultes, au besoin rapidement acquis d’être stimulé, diverti, saoulé d’effet wow.
L’an dernier, j’ai vu passer pour la première fois des articles et une pétition pour que la fête soit toujours célébrée le dernier samedi d’octobre. Quoi de plus simple et efficace, au fond, que de courir l’Halloween le samedi, après avoir consacré la journée à préparer les enfants, les bonbons et la réception entre adultes qui suivra? Qu’on ne s’y trompe pas. Derrière les préoccupations de parents qui redoutent le rush de sucre de leur chérubin comme une résurgence de la peste noire, et celles de grands-parents qui capotent à l’idée de ne pas faire la tournée avec leurs petits-enfants se cache un impératif d’efficacité. Pourquoi, en effet, ne pas réunir toutes les activités un samedi? Les enfants auront de quoi s’occuper toute la journée, et le 31 — s’il tombe un jour de semaine — ne sera pas perturbé par les préparatifs et le trafic du retour hâtif à la maison. Les célébrations seront réglées dans un minimum de temps pour un maximum d’effet. Cost effective, qu’ils disent.
Ça fait qu’on soulignera tôt ou tard l’Halloween un samedi 25 octobre. Et alors, soyons sans crainte, les réseaux sociaux nous offriront un long débat sur la pertinence de célébrer l’Halloween le samedi 1er novembre ou la veille, comme il se doit.
* Remarquez, si j’avais donné des friandises à tous les parents/grands-parents/oncles/tantes qui accompagnent les enfants, j’aurais épuisé mon stock dans le temps de le dire.
Bien senti, merci, Johanne! Nous n’habitons pas très loin de la ruelle Saint-Vallier, vers laquelle convergent TOUS les petits monstres (le 31, pour un temps encore). Et c’est la désolation dans notre quartier ce soir-là… Je partage ton écoeurement – sans avoir encore mangé de bonbons.
J’aimeAimé par 1 personne