Dans le ventre des musées

Aujourd’hui, j’ai écoulé l’après-midi dans un musée désert. Peu de choses égalent à mes yeux le singulier plaisir que procurent les salles vides d’un grand musée. Entre un blockbuster qui fait courir les foules et une collection permanente qui n’attire personne, je me trouve bien à mon aise au milieu de la seconde. Mon contentement est décuplé quand la visite m’entraîne dans un bâtiment flambant neuf.

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Cet escalier, vitrine du pavillon Lassonde. On doit y être bien, les matins ensoleillés de février.

Je n’ai pas oublié le plaisir de ma première visite au pavillon Jean-Noël Desmarais du Musée des beaux-arts de Montréal, peu après l’ouverture, ou de celle du Musée des beaux-arts du Canada, qui se prend pour une cathédrale.

Ce n’était donc pas une petite quinzaine de mois d’attente qui allait altérer mon plaisir de visiter le pavillon Pierre Lassonde du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Tous ces millions qu’y a laissés le mécène Pierre Lassonde valent décidément le détour. Je ne me sens jamais aussi fortunée qu’au milieu de ces temples peu fréquentés, sauf peut-être à ma bibliothèque de quartier, où l’abondance d’histoires prêtes à partir avec moi m’enivre.

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J’ai souvent envié les gardiens de musée (je ne me souviens pas avoir vu de gardienne). Durant toutes ces heures égrenées dans l’atmosphère lunaire de leur lieu de travail, ils ont tout le loisir de réfléchir sur l’art, l’architecture, la culture, mais également sur leurs semblables et le prix du lait. Je les soupçonne d’avoir accumulé d’insondables réserves de sagesse et d’anecdotes rigolotes. Il y a plusieurs années, alors que je m’étais plus ou moins égarée dans une aile reculée du Victoria & Albert Museum, un gardien m’avait suppliée de le laisser me guider dans le dédale des salles poussiéreuses. Please, I’m dying to help you! Pendant que nous bavardions en louvoyant entre des chiffonniers fabriqués d’essences exotiques et des méridiennes du XVIIe siècle, j’ai eu l’impression de constituer le point saillant de sa journée. Je me demande s’il y est encore.

Le tourisme planétaire a changé la donne et transformé les musées en stars auprès desquelles on accourt en masse. Impossible de ne pas s’en réjouir, bien sûr, quoique je finis toujours par ronchonner dans ses grosses expos où l’on se marche sur les pieds. Je me revois, en 2009, délaissant la populaire rétrospective Kandisky, que présentait le Centre Pompidou, pour celle beaucoup moins courue d’Alexander Calder, dans les salles adjacentes. En deux instants, les portraits en fil de fer de l’artiste m’ont rendu mon souffle.

Au pavillon Pierre Lassonde, donc, que dominent le verre et la lumière, j’ai admiré des tableaux et des installations enfin sorties des caves du musée, où les confinait le manque d’espace… (Mes doigts tapent parfois des mots avant que ceux-ci ne parviennent à ma conscience, et j’ai d’abord écrit « le manque d’espoir ». Des œuvres qui désespèrent de voir la lumière du jour, forcément, ça existe.) À lui seul, le MNBAQ détient 9000 œuvres d’art contemporain, sans compter toutes les autres. Sa création maîtresse demeure toutefois ce monumental écrin dont nous avons exploré, mon beau et moi, tous les recoins.

Après notre visite, nous avons emprunté le couloir menant à l’ancienne prison devenue le pavillon Charles-Baillairgé. Juste devant nous, trois employés rentraient chez eux en discutant, leur boîte à lunch à la main.

Une autre journée au musée.

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Une réflexion sur “Dans le ventre des musées

  1. Ne désespère pas sur l’égalité des chance pour l’emploi au musée. J’ai rencontré des gardiennes à plusieurs reprises, aussi bien à Québec qu’au musée des beaux-arts de Montréal. Amitiés .

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