Aujourd’hui, j’ai constaté qu’après dix-neuf ans de mariage, la complicité se mesure dans les plus bêtes niaiseries qui émaillent le quotidien du couple. Faire l’épicerie, déposer un chèque, arrêter à la SAQ, et rire ensemble des travers d’autrui, du coût astronomique des denrées et de l’heure qui passe. Reconnaître chez l’autre son propre humour, goûter la solidarité dans l’adversité de l’heure de pointe, trinquer, au retour, à la fin de semaine qui commence. Demain, il y aura une réception à préparer, d’autres courses à faire et une preuve supplémentaire qu’on ne fait pas fausse route, même quand celle qu’on a choisie est parfois bien droite et un peu monotone. La prochaine halte n’en sera que meilleure.

À une époque où je languissais de rencontrer l’âme sœur, j’ai souvenir d’avoir envié un couple aperçu dans le métro. Plongés tous les deux dans la lecture des journaux de la fin de semaine, ils ne semblaient pas moins profondément ensemble. Les cahiers placés entre eux susciteraient, me disais-je, leur lot de commentaires, de récriminations et d’impressions échangés quelques heures plus tard, à la fin du repas, en finissant le verre de vin. J’enviais à deux inconnus le bœuf braisé qu’ils partageraient peut-être et leur discussion qui se prolongerait jusqu’au moment de faire la vaisselle et de ranger la cuisine. Plus que la passion — symbole par excellence de l’amour —, c’est cette connivence née d’une trame patiemment tissée que j’ai appelée de tous mes vœux à une époque où le célibat me pesait.

À ce jour, elle ne m’a pas déçue.

Photo: Nicolas Raymond.