J’ai suivi aujourd’hui, sur Facebook, un échange entre filles accros des petits pots. L’une d’elles s’extasiait d’un soin rajeunissant à base d’huile de pépins de figues de Barbarie. Devant l’enthousiasme d’une autre, j’ai relu deux fois, à la recherche d’un éventuel second degré. En vain.
J’ai immédiatement pensé aux Biscuits pour faire parler comme les poules, que Bobinette préparait pour jouer un tour à Bobino, sur un microsillon* de mon enfance. La recette commandait, entre autres ingrédients, trois gouttes d’huile de fourmi. Si je me demandais vaguement combien il fallait de fourmis pour en extraire trois gouttes d’huile, je ne doutais pas qu’une telle chose puisse exister, au même titre que l’huile de coude que déployaient nos mères pour tenir maison.
Une recherche rapide dans Internet m’apprend que la figue de Barbarie est un autre nom pour désigner la poire cactus, fruit du figuier de Barbarie qui, ma foi, n’est rien d’autre qu’une variété de cactus. Dans la fausse représentation, on peut difficilement faire mieux.

L’huile de pépins de poire cactus, c’est déjà moins sexy. Qui a envie de nourrir son auguste épiderme d’une huile de cactus ? L’huile de pépins de figues de Barbarie, en revanche, ça vous enlève du kilométrage vite fait. La seule évocation exerce, me semble-t-il, un effet tenseur immédiat sur ma peau. Sur l’un des sites qui en font le commerce (et que je vous épargne pour vous éviter de succomber à l’envie de décaisser un REER pour vous en procurer), j’apprends qu’il faut une tonne de figues pour en tirer un litre d’huile. À quarante dollars les dix millilitres, il s’agit de ne pas gaspiller. Le même site recommande l’huile vierge de pépins de figues de Barbarie pour rétablir la santé des cheveux et des ongles. Il suffit, peut-on lire, d’en appliquer quelques gouttes, puis de laisser « agir » dix à quinze minutes (ce doit être rudement puissant) avant de faire un shampoing. Je ne sais pas pour vous, mais dix millilitres ne suffiraient pas à couvrir ma tête. Et puis «quelques gouttes», n’est-ce pas l’équivalent de dix millilitres? Si j’en met sur mes ongles, j’utiliserai vingt gouttes?! L’huile de pépins de figues de Barbarie commande un certain budget.
Ceci expliquant cela, je me suis demandé si la consommation directe de figues de Barbarie ne ferait pas aussi bien le travail, pour une fraction du prix. Si j’étais cette fille qui aime tant les petits pots de crème, j’essaierais de réduire au mélangeur deux ou trois poires cactus (appelons une poire une poire) et je m’en badigeonnerais le portrait, un jour où je n’attends personne. Je m’endormirais peut-être la face bien collante, sans me soucier des rigoles de jus de poire tachant ma taie de coton égyptien ou s’insinuant dans mes oreilles. Qui sait si, au réveil, je n’aurais pas l’air d’une jeune poule miraculée? Le cas échéant, nom d’une Bobinette, je me met à la recherche d’huile de fourmi, c’est promis.

Incisif, convaincant et réjouissant. Merci, Johanne!
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