
Qui n’aime pas une bonne histoire? N’est-ce pas ce qu’on cherche toujours en parcourant les quatrièmes de couverture à la librairie, en zappant d’une chaîne à l’autre et même en lisant les journaux?
C’est peut-être ce qui me déçoit tant lorsque je sèche sur un roman qui, après cent pages, n’a toujours pas trouvé mon point g littéraire. Frustrée de perdre mon temps, je me sens coupable de le tromper avec des magazines ou des blogues. Je cherche un frisson ailleurs en sautant quelques pages, puis en feuilletant de plus en plus vite. En dernier recours, je me rabats sur les deux dernières pages dans l’espoir d’y trouver de quoi me donner envie de revenir sur mes pas.
Je n’ai jamais ce problème quand je lis une nouvelle.
La nouvelle est un genre littéraire sous-estimé. Je m’étonne qu’elle ne trouve pas plus de lecteurs en 2015, en cette époque de déficit d’attention, de temps raréfié et d’hyperactivité. Le recueil de nouvelles correspond parfaitement, il me semble, à notre temps où l’on commence tant de choses pour en finir si peu. Sur un rayon de librairie ou de bibliothèque, le recueil de nouvelles est une invitation aux aventures d’un soir.
Je n’y résiste à peu près jamais.
La nouvelle est une promesse de plaisir sans engagement ni renoncements. En quelques paragraphes bien ficelés, on arrive au cœur du sujet. Lorsqu’on l’y trouve, le plaisir est vif et surprenant. La fin d’une bonne nouvelle survient toujours trop vite.
Bien sûr, je ne tire pas toujours le bon numéro, et certains textes me laissent franchement de glace, quand je ne me surprends pas, en pleine action, à penser à ce que je ferai pour le souper du lendemain. Je peux toujours mettre un terme à l’histoire – comme un mouchoir que l’on jette – mais je sais que de toute façon, l’inconfort ne durera pas. Dans quelques pages, je passerai à un autre histoire et je retrouverai, dès les premiers mots, mon anticipation intacte. Le recueil de nouvelles est une boîte de chocolats.
On ne trouve pas, à la bibliothèque ou en librairie, de section réservée aux recueils de nouvelles. C’est ce qui fait qu’on les trouve généralement par hasard, alors qu’on cherchait tout autre chose ou rien du tout. Chaque fois que ça m’arrive, j’ai un frisson de joie, comme devant une talle de fraises sauvages qui n’attendait que moi.
Je renouerais volontiers avec les magazines féminins s’il s’en trouvait pour publier une nouvelle mensuelle. Je ne me suis pas encore remise que l’un d’eux ait refusé de publier une nouvelle inédite en français de l’Américan Jonathan Franzen*. Je ne suis pas surprise non plus, remarquez. Les représentants publicitaires des magazine aiment les choses simples: un spécial cheveux, un dossier « recettes de pommes », un guide d’achat de chaussures. Que diable pourraient-ils dire à un fabricant de mascara, de tampons hygiéniques ou de moutarde forte pour le convaincre d’acheter une page de publicité à proximité d’une nouvelle?
Ça intéresserait peut-être les chocolatiers.
Sur ma table de chevet :
Bienvenue aux dames, Collectif (VLB)
Onze nouvelles masculines, par autant d’auteurs, sur le thème de la taverne. Comment ai-je dit ça, déjà? Plaisir vif et surprenant.
Nuageux dans l’ensemble, Julie Bouchard (Pleine Lune)
Ça sent la nouvelle féminine, dans le sens le plus noble du terme. La première des neuf nouvelles qui, toutes, portent sur la disparition et la perte, m’a furieusement plu. Mmmm. Anticipation intacte.
J’ai aimé :
Visite la nuit, Caroline Legouix (La Grenouillère)
J’ai croisé dans ce recueil de 19 nouvelles des procédés graphiques et stylistiques que je ne suis pas près d’oublier. J’aime envier les bonnes idées des autres.
Dance of the Happy Shades and Other Stories, Alice Munro
J’ai souvent dit qu’Alice Munro ne se qualifierait pas à un concours de nouvelles si elle y participait de façon anonyme. Non pas parce que ses nouvelles ne sont pas excellentes, mais bien parce que ses histoires tranquilles et profondément canadian ne donnent pas dans la chute spectaculaire ou dans le singulier que recherchent les jurés des concours.
La théorie de la lumière et de la matière, Andrew Porter (Éditions de l’Olivier)
Dix nouvelles insolites d’un auteur américain que je ne connaissais pas. Elles m’ont curieusement rappelé les nouvelles qu’on nous donnait à lire en cinquième secondaire, dans les années 1970. Ce n’est pas un défaut! Très américain et souvent déstabilisant.
Sur ma liste de lecture :
Crime à la librairie, Collectif (Druide)
Pour lire, entre autres, la nouvelle qu’y signe Geneviève Lefebvre.
Titres de transport, Alice Michaud-Lapointe (Héliotrope)
Parce que le procédé de l’auteure est le même que celui que j’ai emprunté pour Un mercredi comme les autres, sauf qu’au lieu d’avoir pour cadre un restaurant, un mercredi soir, les vingt-et-une nouvelles de ce recueil sont toutes plantées dans les stations du métro de Montréal. Quelle fourmilière de possibilités!
Nouvelles de…, collectifs, collection Miniatures, Magellan & Cie et Courrier international
Mon amie Caroline m’a fait découvrir cette collection sans frontières dont chaque titre réunit des nouvelles d’un pays. Vingt-huit titres pour autant de pays. Coloré.
* Tel que le raconte Nadine Bismuth dans La pratique du roman (Boréal, 2012).
J’adore l’analogie avec la boîte de chocolats! Merci pour ces suggestions de lecture. Je rêve du moment où je reprendrai la lecture pour le plaisir!
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Merci beaucoup, Johanne, pour toutes ces bonnes idées de lecture. Tu aimes Saki? J’ai relu quelques-unes de ses nouvelles récemment, et j’ai ri comme la première fois.
Au plaisir de te voir demain!
Emmanuelle
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Je ne connais pas Saki, mais je compte bien me rattraper!
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