Tous les jours de la semaine, au parc de l’Île-de-la-Visitation,
des chiens promènent leur maître,
des renards embusquent des chats,
des dames en bleu déambulent
dans les sentiers flanqués d’herbe à puce,
pendant que leurs semelles cramponnées
font cric, crac sur le dos des escargots.
De l’autre côté du pont, dans l’Île-de-la-Visitation,
des couleuvres seules au monde
zèbrent les sentiers déserts
et les bébés des bernaches s’étirent en pas de patin.
Quand le soleil chauffe, ça sent la fraise sauvage qui rougit sous la paille.
À l’ombre, le parfum plantureux des semences de peuplier
se mêle à celui de l’eau qui croupit sous le belvédère.
Le samedi, le parc de l’Île-de-la-Visitation s’anime
d’une autre vie.
Des Vietnamiens pêchent à la mouche.
Des pères et leurs filles lisent, assis devant la rivière des Prairies.
Des garçons amoureux marchent main dans la main.
Des vieux en triporteurs et des gamins à vélo
jouent à fendre les flaques d’eau.
Des filles cherchent leur chat
pendant que dans leur tanière, les renards digèrent.
Des familles rassemblées piquent-niquent d’abondance :
l’air embaume le charbon de bois, les merguez et la crisse de paix,
dans son sens le plus propre.
Depuis l’Île-de-la-Visitation, l’île Jésus, dans ses hauteurs, semble loin, loin.
Les bateaux de plaisance donnent l’impression de dériver
quand le bruit de leur moteur cent forces
se dissout dans la rumeur du pont Papineau.
Les oiseaux, partout, sont d’espèces rares et désirées.
L’un d’eux m’apostrophe :
Eeeeeyuuu! Eeeeeyuuu! Eeeeyuuu!
L’autre matin, dans les sentiers de l’Île-de-la-Visitation,
en cherchant mon souffle,
j’ai trouvé le temps court et le monde beau.