Basta!

Aujourd’hui, au restaurant, je n’ai pas reconnu une ex-amie avant de la voir s’éloigner sur le trottoir.

Sa démarche ne m’était pas étrangère, puis j’ai fait le lien avec cette femme assise presque devant moi, quelques minutes plus tôt, et dont la généreuse poitrine avait attiré mon attention. Je ne cultive pas d’intérêt particulier pour les poitrines féminines, mais la mode des soutiens-gorges à coussinets, jumelée à celle des décolletés plongeants les rend impossibles à ignorer. Au moment où j’ai posé les yeux sur mon ex-amie, le sandwich dans lequel elle mordait masquait la moitié de son visage (ce qui explique peut-être que j’aie surtoutLemon curd - Squeezed remarqué son décolleté). Elle porte ses cheveux blonds maintenant, un autre point contre moi. La personne avec qui je lunchais était allée donner sa commande au comptoir, si bien que j’aurais eu tout le loisir de parler à cette ex, si je l’avais reconnue.

Depuis au moins quinze ans que nous nous connaissons, je l’ai presque toujours fréquentée malgré moi. Nous nous sommes rencontrées par le biais d’un réseau d’affaires — c’était mal barré — dans un sous-groupe d’entraide dont les membres se réunissaient une fois par mois. J’en ai fait partie pendant quatre ans au moins, et cette femme est la seule avec qui j’ai gardé le contact. Je me suis souvent demandé pourquoi. Mes molles tentatives pour espacer nos rencontres ont maintes fois été contrecarrées par le hasard, le plus grand ayant voulu que mon mari et moi achetions une maison presque devant chez elle. Si ce n’est pas un coup de pied du destin dans mon tibia, je me demande bien ce que c’est.

Ce nouveau voisinage nous a donc rapprochées malgré nos maigres affinités. Nous ne partageons ni valeurs ni références culturelles communes. Nous ne travaillons pas dans le même secteur d’activités et nos clients proviennent de galaxies professionnelles différentes. Nos opinions respectives sur la vie, l’amour, les hommes, la mort, la nourriture, les arts, la santé, les vacances ou la mode ne concordent jamais. Ses remarques vexantes à l’égard de ce que je chéris le plus m’ont maintes fois décontenancée, au point de me couper le sifflet. Mais puisque nous étions désormais voisines, il m’est arrivé de promener son chien quand le travail la retenait à l’extérieur de la ville. Cela ne m’a jamais empêché de la désigner, auprès de ceux qui ne la connaissaient pas, en disant « t’sais, mon amie toxique? » Mes proches la replacent toujours, même s’ils ne l’ont jamais rencontrée.

Ma campagne de sociofinancement pour Un mercredi comme les autres a été l’occasion de rompre définitivement avec elle. Il ne faut qu’une goutte pour qu’un vase déborde, et le mien était bien grand. Je l’ai recroisée une fois, deux fois sur la rue ou au restaurant. Impossible qu’elle n’ait pas perçu la froideur qui émanait de ma personne, comme un Ice-pack tout juste sorti du congélateur. Il n’est donc pas étonnant qu’elle m’ait ignorée aujourd’hui, alors que j’étais assise juste devant elle, et seule par-dessus le marché. Je devrais me réjouir de ce point final à notre relation. Et je m’en réjouis.

Ça ne m’a pas empêché de m’inquiéter de ce qu’elle a pu penser, et d’être légèrement froissée qu’elle m’ait ignorée.

Soulagée, mais légèrement froissée.

Épaisse.

 

Photo: Rebecca Siegel.

2 réflexions sur “Basta!

  1. Je viens de lire ton billet. J’Adore! Et le paradoxe à la fin…..c’est tellement ça!….

    Merci!

    Sophie est Ici Avec sa petite famille Et Avec Charles, Pour la semaine. Nous avons fêté Estelle aujourd’hui. Elle a eu 7 ans. Demain, Geneviève Nous a invité pour fêter mes 70 ans……Ayooooy!!!!!

    Debout et vivante! Merci la Vie!

    Bon été! Bonne écriture!

    Ginettexx Envoyé de mon iPad

    >

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